— Chaque âme rend un son particulier. C'est la rencontre de ces sons qui produit l'harmonie.... ou le désaccord.
Pensées sauvages - 2e série, Desclée de Brouwer, 1930
— Les heures qui peuvent contenir les plus grandes choses sont les plus courtes.
— Le confessionnal c'est la boîte aux lettres de la conscience.
— Ne cherche pas à abriter tes maux près des grandes joies... ni des grandes peines.
— Le psychologue est un bactériologue.
— Au déclin de la vie, les gradins qui invitent l'homme à descendre ne sont pas d'égale hauteur.
— La solitude atteint l'homme à l'âge où il la subit avec le plus de difficulté.
Ceux-là qui sont aux deux extrêmes de l'échelle sociale peuvent avoir de la désinvolture dans leurs gestes et leurs attitudes ; on excuse les uns parce qu'ils sont « les grands », les autres parce qu'ils sont « les petits ».
C'est quand le corps est entre quatre murs que l'esprit fait ses plus lointains voyages.
Entre femmes il est de ces petites amitiés qui prennent comme la poudre et s'éteignent avec la même rapidité : ce sont les fusées du coeur.
À la campagne, les jours de pluie et de bourrasque, si notre oisiveté le permet, nous abritons notre ennui au fond de notre « Moi »... où d'ailleurs nous trouvons parfois d'autres rafales.
Le sens chrétien est l'oxygène de l'âme.
À la rencontre des douleurs morales, nos souffrances physiques recherchent l'appui des vieux murs familiers.
Les « nouveaux riches » de la pensée puisent sans discernement dans les trésors littéraires du passé.
Triturer la pâte des potins sans y incorporer des antiseptiques c'est intoxiquer la société.
L'amitié mal cultivée est envahie par les broussailles.
Les animaux choyés ne font que bénéficier des désillusions de l'homme.
Auprès de grandes secousses morales le corps reprend sa marche, mais l'âme ne suit pas.
La superstition s'attache aux natures simples à la façon de ces plantes sauvages qui s'enroulent autour d'un arbuste.
Certains n'ont pas de défaillances ; ils n'ont que des lacunes.
L'enfance bercée par nous, berce parfois aussi notre peine.
Le malheureux médecin « Tant pis » était un provincial, mais son confrère « Tant mieux » était né à Paris.
Examiner - quand on le peut - les circonstances qui entourent les fautes des autres c'est presque les excuser.
Il y a des larmes qui sont le dilettantisme de la douleur.
Le soupir est le prolongement attristé de la parole... ou du silence.
Le talent est le produit d'une intelligence supérieure appliquée à un labeur. Le génie est une sorte d'étincelle divine.
À une heure de notre existence, nous croyons avoir des ailes. La vie les brise : et nous montre qu'elles sont destinées seulement à un monde prochain.
Les prophètes de malheur commencent parfois ainsi leur prédiction : « Un beau jour... »
Dans l'océan des vulgarités les pensées nobles apparaissent comme des îles.
La souffrance de ceux qui vieillissent est le résultat du désaccord qui s'établit entre le corps et l'âme.
Nous tendons dans le vide de multiples fils d'araignée pour former la toile qui pourrait retenir le bonheur.
Nos joies ne sont pas cette gerbe de fleurs serrées que voudraient enlacer nos bras douloureux. Elles sont les rares fils d'or que nous arrachons à la trame sombre de nos jours.
(Pensées sauvages - 2e série, p.11, Desclée de Brouwer, 1930)
La serviabilité est la contrefaçon de la bonté.
On endort les maux de l'enfant avec des chants. L'homme soulage les siens par de cris.
Les pensées qui ont le plus de force sont encloses dans l'inexprimé.
L'homme éveillé choisit ses rêves. Celui qui dort les subit.
Alignées le long des rues, dans la petite ville, les maisons se connaissent et de leurs yeux vitrés s'entreregardent. Maisons de Paris, vous ignorez ces petites intimités et n'êtes que des isolées dans vos entassements.
L'homme - je n'ai pas dit la femme - exerce sa malignité sur l'infériorité intellectuelle de son semblable ; mais il accorde un pardon inavoué à ses fautes morales.
Quand notre esprit peut se mouvoir dans la phrase avec souplesse et élégance, soyons satisfaits de la cage que nous lui construisons et ne demandons pas à la rime de venir y ajouter d'autres barreaux.
L'on ne rachète par les méfaits de l'égoïsme.
Nous vivons, nous agissons comme si notre vie terrestre devait durer toujours. Cette impression d'éternité est donnée par notre âme.
Ceux qui peuvent dématérialiser toutes leurs ambitions tiennent la clef du bonheur.
Savoir donner nous confère un privilège exquis, puisqu'il force les coeurs à nous dire : « Entrez. »
Comme les croix, les ailes sont à la mesure de chacun.
L'amour est la nostalgie inconsciente du ciel.
Ceux chez qui règnent la mesure et l'harmonie, ne savent pas quel voisinage leur serait le plus incommode : celui des avares, ou celui des prodigues.
Dans notre Midi, le vin est souvent une lie dans laquelle on s'enlise.
Quand les ailes ont poussé aux petits oiseaux, le nid se désagrège.
Celui qui plante un clou dans l'appartement où il s'installe croit toujours plus ou moins y fixer le bonheur.
C'est déjà aimer Dieu que d'aimer ceux qui l'aiment.
Il n'appartient pas aux seuls aviateurs de regarder la terre de très haut.
Aux abords d'une gare, j'entends dans la nuit profonde le cri strident d'une locomotive en partance. Ce cri est lugubre et ressemble à l'appel désespéré d'un être en détresse.
Quand les mots affectueux de nos amis nous sont transmis par des indifférents ou des hostiles, ils nous paraissent déformés.
Ne trouvez-vous pas souvent lassante la compagnie perpétuelle de cet être que chacun de nous appelle « Moi » ?
On voit souvent, depuis la guerre, des yeux de femme contenir tant de douleur que leurs paupières paraissent envelopper un reliquaire.
Nous ne pouvons nous confier pleinement qu'à Dieu seul.
Ne dédaigne pas les phrases, les pensées qui semblent usées par le temps. Fouille-les : Elles te montreront la vérité en un relief puissant.
La poésie, c'est souvent « le mal du pays ».
Pour l'étude d'une âme, il n'est pas de petit détail.
L'homme dit du bien de son sexe par amour-propre, du mal de l'autre... par amour tout court.
Les voyages, la maladie, mettent nos défauts à nu.
Nous demandons à nos amis la franchise absolue et nous donnons un sens péjoratif à leurs paroles.
L'ennui c'est la vie revêtue d'un costume gris.
Un encrier est un univers : il contient en puissance tous les modes de la pensée.
Veux-tu m'entendre et recevoir le trop-plein de mon âme ?... Mais la tienne pourra-t-elle le contenir ?...
Avec des « Si » on voudrait construire, avec des « Mais » on démolit.
Les portes des vieilles maisons, comme celles des vieux coeurs, sont les plus accueillantes.
L'aveugle doit substituer aux horizons de la terre ceux de l'âme, et créer en lui un être dématérialisé.
Bien des aveugles sont des clairvoyants, mais combien plus de clairvoyants sont des aveugles.
La bonté est remplacée chez l'avare par la serviabilité.
Seigneur, où placez-vous ces étoiles éteintes qui voulurent briller loin de votre soleil ?
Ceux qui ont la prétention de tout savoir n'ont pas souvent le talent de tout comprendre.
C'est si bon de donner aux bons que, cet acte n'étant guère accompagné de mérite, Dieu nous oblige aussi à donner aux méchants.
Jadis, la femme ne se croyait vraiment chez elle que devant son armoire ouverte. Aujourd'hui, son armoire c'est le monde entier.
Comme d'un vêtement démodé dont ils rougiraient, ceux qui ne sont plus jeunes ne parlent de leur passé qu'avec réserve.
Est-ce un vice de conformation ? certaines bouches n'articulent « Merci » qu'avec difficulté.
Celui qui se noie, ne trouvant pas de branche à saisir, chercherait à s'accrocher à une toile d'araignée !
Le poète a sans doute du divin dans les yeux, puisqu'il voit de la beauté à tout, même à l'homme déchu.
La souffrance aiguë disperse nos possibilités et réduit en parcelles tout notre être moral.
La vieillesse frappe longtemps à la porte des retardataires avant qu'on lui dise : « Entrez » ; mais une fois introduite, elle est maîtresse de la place.
L'activité qui en ce moment agite le monde est alimentée en partie par les besoins factices que l'homme et surtout la femme se sont créés.
Les croix dorées sont généralement en plomb.
Bien des femmes écrivains ont l'orgueil des parvenus.
Le bienfait de la solitude contrebalance-t-il le mal qu'elle engendre ?
Même lorsqu'elle n'est vêtue que de haillons, la femme considère ses haillons.
Des maladies microbiennes de l'âme, la médisance est la plus contagieuse.
Silence, science, fraternisent.
Le poète semble avoir frôlé la divinité et gardé son image.
La femme moderne a ouvert si bas son corsage que son coeur s'est échappé.
Se recueillir profondément dans la solitude c'est donner une âme à cette solitude.
Le « nouveau parisien » est un voyageur qui a laissé au fond de sa malle ce qu'il avait apporté de plus beau... Un jour il se décide à l'exhumer. Paris admire alors ce qu'il reçoit et n'aurait pu donner.
Ceux qui sentent leur vulgarité cherchent à la voiler par la préciosité.
Il y a des âmes fermées à double tour qui ne donnent jamais la clef de leur serrure. Pourtant elles ne renferment rien de précieux.
Vieillesse étrange, mystérieuse, on voudrait te fuir... on voudrait t'atteindre...
La société qui monte, donne à celle qui stationne des marques de politesse plus grandes que jadis, mais bien moins de déférence.
Notre précipitation semble souvent nous faire hâter la fuite des heures douces ; comme si nous étions sûrs de les retrouver le lendemain.
Nos jours se superposent comme les feuilles d'un missel ; le texte change, mais ce qui l'inspire demeure.
Bien des hommes ne perdent que très tard leur amour-propre de potache.
La main qui édifie peut aussi détruire.
La peine emprisonnée en nous trouve souvent en nous-mêmes un gardien trop vigilant.
Le coeur de l'homme ?... Une étincelle du coeur de Dieu participant de son éternité.
C'est dans le bois dur que se produisent les fentes profondes.
La méchanceté la plus terrible est celle qui est triturée dans la bêtise.
L'âme de l'homme ne s'enrichit que tard de toute la tendresse et la constance de la femme.
Pareille à un chien de chasse racé, la femme mauvaise est douée d'un flair particulier pour découvrir un bonheur caché et le détruire.
L'approbation de certains nous attriste ; la désapprobation de certains autres... nous ravit.
En médecine, la doctoresse ne peut se défendre, dans son étude psychologique de la femme, de l'étudier en femme, de fouiller curieusement dans son moi intime.
Beaucoup lisent pour dire : « J'ai lu ». Et d'autres pour dire « J'ai pensé ».
Les saints ont aimé Dieu et compris l'homme.
La connaissance de Dieu échappe à notre âme enfermée dans la matière, mais ce qui s'exhale de son essence, nous le sentons parfois et nous disons « C'est Dieu ».
La banalité, c'est le vêtement de sortie des timides.
La femme qui ne peut se passionner pour un être s'exalte pour une idée.
Nous ne confions volontiers le trop-plein de notre âme qu'à ceux que nous connaissons bien... ou à des inconnus.
D'où est ton âme ? du Nord ou du Midi ? de la montagne ou de la plaine ?... À certaines heures tu as dû le savoir. Habite le pays de ton âme.
Quand il s'agit d'eux-mêmes, de leur valeur, de leur talent, plusieurs croient à la génération spontanée.
Dans les assemblées orageuses, l'être impartial possède en lui un régulateur puissant dont l'influence peut gagner de proche en proche.
Ceux qui t'entourent, s'ils chantent leur chanson, chante-la avec eux.
Il y a des femmes qui se penchent sur leurs malheurs avec grâce et séduction. Telles leurs Arrière-Grand'Mères enlaçant leur guitare.
La femme dit « Je t'aime ». L'homme dit « Aime-moi ».
Les coeurs comprimés sont toujours grands.
Les oiseaux migrateurs emplissent leurs yeux d'images diverses et oublient vite l'horizon qu'ils ont fui.
L'écart produit entre deux époux par la différence de leur milieu social est rendu bien plus sensible encore par la visite du malheur.
Bizarrerie de l'espèce humaine : les petits aiment « jouer » aux « grands » ; les grands trouvent parfois amusant de jouer aux « petits ».
La même mesure qui a servi à donner sert souvent à ôter.
La femme a la mémoire du coeur : l'homme plutôt celle des yeux.
Dans certains cas, la paresse est une nostalgie du vide.
Le fort déverse sa colère sur celui qui la fait naître. Le faible la répand sur plus faible que lui.
De son pied lourd, le chasseur foule avec fracas les feuilles mortes qui en automne renflent le terrain. Le tyran qui sommeille en lui trouve une sorte de jouissance à briser cette fragilité.
L'esprit de l'homme est parfois si orienté vers le mal qu'il donne un sens péjoratif à tout acte qu'il ne comprend pas.
Écoute cette conversation intime. Ce sont tes deux « Moi » qui discutent. Crois-tu que celui qui est fils de ta raison convaincra l'autre ?
« Lui » - peux-tu dire, femme ! qu'à un moment de ton existence, ce mot n'a pas été ton univers ?...
Dans bien des cas, nier c'est ne pas comprendre.
Que manque-t-il à tel bon poète qui n'a pas créé des oeuvres immortelles ?... tout simplement la vie aux champs dans son enfance.
Des qualités identiques chez les parents peuvent se muer chez l'enfant en de sérieux défauts.
La chanson de l'air, lorsque nous l'écoutons, assis le soir près du foyer, pourquoi a-t-elle ce timbre désolé ?... Parce que les soupirs, les plaintes de la terre planent dans le ciel.
Beaucoup n'aiment pas les amis de ceux qu'ils détestent et souvent, moins encore les amis de ceux qu'ils aiment fortement.
Ceux qui diminuent le plus les autres veulent les mesurer à leur propre taille.
Une amitié ralentie fait pressentir la panne.
L'homme a tellement besoin d'un maître qu'il accepte parfois un tyran.
Le parisien ne vit que dans le présent, le provincial vit surtout dans l'avenir et souvent avec ferveur dans le passé.
Les méchants, heureux de dire ce qui est, les sont bien plus encore de raconter ce qui n'est pas.
Plus une étoile est placée haut dans le ciel de notre âme, plus nous sommes heureux de l'admiration que l'on a pour elle.
Ceux qui ne se connaissent pas eux-mêmes ne peuvent apprécier la somme de bonheur qui résulte pour eux de cette sereine ignorance.
Si quelques mots lumineux n'ont pas suffi à convaincre ton interlocuteur, dis-toi bien que des flots de paroles t'auraient servi moins encore.
Ce qui a les siècles ou l'éternité en germe s'opère lentement.
Avant d'entrer dans la vieillesse, souvent aussi dans la vie chrétienne, l'homme traverse une sorte de tunnel mystérieux plein de dangers.
Quand le corps clame son mal, l'âme lui répond. Cette réponse est tout.
Chrysalide en hiver dans ses fourrures, la femme actuelle devient en été tout à fait papillon.
L'homme ne connaît pas l'homme ; et souvent ne veut même pas le connaître : d'où les conflits qui déchirent le monde.
L'échelle sur laquelle monte notre âme est toujours dressée par la souffrance.
Les caprices non réprimés de l'enfant deviendront l'obstination du vieillard.
Dans l'oeuvre d'un littérateur, faut-il souhaiter que sa plume élégante se transforme en scalpel de chirurgien ?...
Comme les feuillets d'un livre abandonné au vent, mon âme frisonne sous le souffle des paroles divines transmises par l'Évangile.
À certaines heures, mon âme se perd dans un dédale : « Ariane, où es-tu ? Non, pas Ariane - qui du reste ne viendrait pas. - Mais nommons celui qui a dit : « Je suis la voie ». Mon DIeu, guidez-moi !
Le besoin de nier Dieu précède toujours cette négation.
La noblesse du maître ennoblit le valet.
Je vous assure que les fleurs ont, elles aussi, leur tempérament moral.
Celui que grandit la douleur trouve son fond de douceur dans son mal : c'est la souffrance dorée.
Les impressions sont l'aliment des sensibles.
Même en musique où tout est harmonie, il y a des pauses, des silences. Acceptons donc aussi ces arrêts du coeur dont nous souffrons parfois de la part de ceux qui nous aiment.
C'est quand arrive l'âge de demander à la vie de s'arrêter qu'elle reprend plus rapidement sa marche.
On manque souvent de simplicité avec ceux que l'on n'a pas atteints depuis longtemps. La mise au point est lente.
Quand on dit à une femme qu'elle ne vieillit pas, ses étés se transforment en printemps.
Ceux qui élargissent l'horizon de la pensée sont des précurseurs. Mais bien souvent, comme Jean-Baptiste, ils prêchent dans le désert.
La sympathie, où va-t-elle ?... où ne va-t-elle pas ?... Les uns s'aiment sans se connaître, les autres se connaissent sans s'aimer.
Mieux que la plume, le crayon se penche, s'épanche, se confie pleinement.
Détenteurs de l'intelligence, donnez la main aux petits ; mais pour les faire monter.
Les mots doux ou violents nous les empruntons au vocabulaire éternel, persuadés que personne avant nous ne leur donna cette douceur ou cette force.
Éprouver le besoin de ressembler à quelqu'un, c'est déjà lui ressembler.
Le désordre matériel remplit tout ; et ce tout c'est le vide.
L'angoissé timide constelle les parois de son coeur de points d'interrogation. Et nul ne le voit, nul ne lui répond.
Tout l'encens que Paris reçoit, l'enveloppe au point de lui cacher la province.
Les artistes sont souvent les lutins de la pensée.
Un retard forcé dans notre correspondance avec nos amis, c'est une façon impérieuse de les avoir toujours présents à notre souvenir.
La femme, plus que l'homme, souffre dans un milieu social qui n'est pas le sien.
En principe dédaignons ces « petites chapelles » où l'on encense toujours les mêmes dieux, puisque ces dieux ne sont souvent que de pauvres hommes.
Souvent les morts aimés vous relient avec plus de force à certains vivants.
L'horloge de la vie, tout en marquant les mêmes heures pour l'homme et la femme, semblait jadis être en avance chez celle-ci. Les choses ont changé... La cause ?...
Malheur au vaincu. - Oui, au vaincu de la résistance morale.
La définition d'un héros pourrait être : « Un coeur grand contenu dans une cuirasse ».
Les mots dédaigneux, railleurs, peut-être méchants, que la bouche retient, sont dessinés dans un sourire. - Ah ! ce sourire !...
La terre est toujours belle ; mais en cultiver sans cesse le même coin borne singulièrement les horizons de la pensée.
Ceux qui s'aiment vraiment ont, en se quittant, l'impression que le meilleur de leur causerie est resté dans l'inexprimé.
Dans les recherches de l'âme, la seule lumière qui éclaire pleinement le penseur vient d'en haut.
La femme privée subitement de l'amour total d'une créature, et ne pouvant plus donner son grand coeur qu'à des animaux, fait songer à ces enfants séparés brusquement de leur mère et qui, au milieu de leurs cris, pressent contre leur coeur une poupée, un mouton en carton.
Le mari et la femme sont le réflexe l'un de l'autre.
Le sentiment de ses lacunes morales doit éloigner un être intelligent du despotisme.
Puisque Dieu est bon, puisque la mort est une loi inéluctable, pourquoi les êtres « de bonne volonté » l'enveloppent-ils de tant de crainte.
Quelle troublante chose que l'angoisse, quand elle est emprisonnée par le silence et que mille obstacles s'opposent à sa délivrance.
Dans la vie des familles unies, les faits importants ont toujours de l'actualité.
« Un grand coeur ! » Est-ce parce qu'il ne contient souvent qu'une seule affection que nous le désignons ainsi ?
Les âmes qui ont monté marchent vers la lumière.
Les coeurs de grande capacité dédaignent les demi-mesures.
Dans la montée de l'être moral, c'est le coeur qui le délivre du poids des bagages.
Après le rêve qui n'appartient pas au sommeil, le réveil nous montre la terre peu belle.
Les hommes renonçant à se comprendre, après l'insuccès de la tour de Babel, construisirent chacun la leur et y vécurent. Tous leurs descendants ont fait comme eux. Et chacun de nous ignore donc, au fond, le langage de ses semblables.
Deux phases fréquentes dans la vie d'une femme : elle aime et sourit ; puis elle est jalouse et pleure.
Écoute avec une incrédulité apparente les plaintes de ceux qui souffrent dans leur orgueil. Cette feinte leur rendra la joie.
C'est surtout la pensée qu'ils ne parleront plus tout à fait la même langue qui angoisse les parents dont les enfants entrent dans la vie religieuse.
Il y a deux jeunesses : la vraie et celle qui est désignée ainsi par les vieux.
Comme un être impotent à la démarche lourde, le corps suit l'esprit.
C'est parce que l'être humain est infiniment multiple et divers qu'il y a toujours en lui un petit coin où son semblable peut l'atteindre.
Pour les peuples, plus encore que pour les individus, le prix du bonheur varie avec les époques.
Les cataclysmes du globe ouvrent des sources, en referment. Chez l'être moral d'autres phénomènes peuvent ouvrir son coeur ou le refermer.
Ne cherche pas à être soutenu par l'orgueilleux. Il n'est lui-même appuyé que sur des bases factices.
La mer qui transporte au loin les espoirs énergiques ou les grandes détresses est aussi le véhicule de la vigueur physique.
Le présent dédaigne le passé, et celui-ci lui rend avec usure ses marques d'indifférence.
Les païens illustres, tel Diogène, cherchaient un homme. Les grands chrétiens cherchent une âme.
Les mots aussi enivrent : dans les assemblées populaires, les hommes ne voient pas qu'ils sont surtout des buveurs de mots.
Phénomène des Vases communiquants : facilement l'amitié égalise les âges.
Ne ferme pas ton coeur aux créatures imparfaites ; tu risquerais alors de le fermer à tous... et aussi à toi-même.
« Peux-tu m'atteindre ? » - « Non. » - « Et moi, puis-je t'atteindre ? » - « Hélas ! »
Plus vite que les morts les absents disparaissent.
L'amitié connaît le pardon... Et l'amour ?
Chaque génération veut monopoliser la beauté et la science du passé.
Les Christophe Colomb d'un « monde nouveau » sont légion.
La tyrannie a bien des esclaves, mais l'amour reste un affranchi.
Le microbe qui enfièvre et ravage le monde moderne, s'appelle : la peur du vide.
La simplicité a plus de pudeur que la vérité : Elle n'est pas nue ; mais elle supprime tout ornement.
La volonté éclairée et la liberté devraient être unies indissolublement.
Chaque maison avec ses vieux meubles, ses papiers jaunis, est une arche du passé.
Quand notre esprit cherche à se mouvoir dans des milieux heureux, il est rare qu'il ne songe pas à des projets irréalisables.
Dans les heures de calme, l'ennui peut être un bienfaiteur : Il devient le régulateur de la pensée et souvent sa lumière.
Nous affectionnons les déplacements, les voyages souvent sans charme ; afin de nous bien assurer, au retour, que notre coin habituel est le meilleur.
En amour la brusque indifférence de l'homme le conduit rapidement à la cruauté.
Les larmes qui tombent au dedans ne s'évaporent pas.
Que pourrait-on trouver dans les coeurs trop repliés ? - Souvent une pincée de cendres.
C'est l'égoïsme qui souvent influence le jugement et le fait rarement impartial.
Chez les êtres primitifs, la bêtise s'additionne de ruse.
L'égoïsme est une sorte d'instinct de défense qui, dans un grand malheur, empêche de mourir de chagrin.
Quand tes nerfs sont tendus comme des fils télégraphiques, saisis-les lentement, et, les enroulant autour de ton âme, donne leur ainsi le contact de sa douceur.
Là où elle s'assied, l'usine n'embellit ni la terre ni l'homme.
La vie à la campagne cimente mieux le coeur des amis qui s'y retrouvent.
Comme un vent violent décuplé par la distance, les mots contenus dans les lettres au long parcours ont cette force et ce sens profond qui donne l'éloignement.
Il arrive que des personnes dont on ne convoitera jamais le coeur, le tiennent comprimé, comme si elles redoutaient un larcin.
Pour des services rendus, l'être bon demandera une sourdine. Mais à celui qui n'est que serviable il faut la grosse caisse ou le trombone de la publicité.
Qu'est-ce qui tarit le plus en nous les sources de la vie intellectuelle et morale ? - La vie actuelle.
La vie groupe les êtres ; mais si Dieu est absent, la suite des jours les sépare.
Pourquoi le Verbe de ceux qui veulent nous montrer l'Absolu et sa lumière manque-t-il quelquefois de cette simplicité qui éclaire tout ?
Un peuple qui veut vivre sait mourir.
Ensevelis sous les siècles, nous découvrons de temps à autre des prénoms anciens et les dépouillons de leur vétusté. Ainsi transformés nos petits enfants les reçoivent. Et nos demeures retentissent de « noms nouveaux ».
Chaque vingt-quatre heures, au réveil, l'esprit muni de ses ailes part à la conquête du jour. Mais ces ailes vont bientôt frôler un peu de glu qui les attachera aux réalités de la vie.
La teinte bronzée que la femme moderne recherche pour sa peau est un symbole... Car elle s'efforce, hélas ! de bronzer aussi son âme.
Les cris de douleur morale étouffée dans un éclat de rire sont les plus déchirants.
Le prisme qui est dans les yeux du poète donne à toutes choses une beauté supraterrestre.
Quand une pensée l'agite, notre esprit est fermé aux autres impressions : Elles passent devant lui comme, sous nos yeux, la fumée de la locomotive qui s'estompe rapidement dans le lointain.
Trop chercher à briller, n'est-ce pas vouloir coiffer les autres d'un éteignoir ?
Quand pour nous le jour baisse, nous devons allumer la lampe qui va montrer le passé aux jeunes qui nous entourent.
L'attente d'une joie n'est-elle pas meilleure que le souvenir ?
Lorsque l'homme mûr se rencontre avec l'enfant, il retrouve soudain des impressions de sincérité exquise qu'il ne connaissait plus.
Bien que souvent assez dures, les années paraissent courtes à ceux qui s'approchent du terme.
La lune de miel, c'est la période pendant laquelle deux êtres ne se connaissant pas épuisent jusqu'à la dernière syllabe le vocabulaire du « Tendre »... Puis, ils se connaissent... et le vocabulaire est transformé.
Les esprits supérieurs ont bien des demeures.
Ici-bas la perfection n'a pas d'élus. Elle n'a que des candidats.
Comme un vêtement trop étroit, l'âge mûr rejette le snobisme et ses formules dans lesquels sa jeunesse se rengorgeait fièrement.
Quand deux êtres qui s'aiment se retrouvent après une longue séparation, il ne leur vient d'abord aux lèvres que banalités.
La terre riche en principes de vie qui aideront à l'éclosion d'une moisson abondante, reste longtemps solitaire et tassée. Le penseur obéit à cette loi.
La conversation de quelques femmes du monde n'est qu'un gargarisme élégant.
Parmi ceux qui usent de leur fortune avec largesse et ostentation, on rencontre parfois de véritables dilettanti de l'économie.
On appelle « Amour » une chose qui peut être un jouet, une ornière, une étincelle divine.
Seule l'économie peut permettre les libéralités.
Les vertigeux déplacements modernes résultent de l'instinct qui porte le corps, coûte que coûte, à rejoindre l'Esprit.
Si Dieu n'avait pas fait pour l'homme la loi du pardon, il lui eût ôté la manière la plus noble de se grandir.
Le lyrisme latent doit conduire l'homme à la plus haute expression de sa nature.
Sa jeunesse étant toujours un peu éloignée, l'homme la présente à l'enfant comme un période de perfection. Celui-ci ébahi et quelque peu découragé, l'écoute, se tait et cache ainsi sa foi ou son incrédulité.
Dans une causerie, « épuiser son sujet » c'est épuiser aussi... la patience de son interlocuteur.
Devant la porte du grand malade, se tient la mésintelligence prête à assaillir ses gardiens les plus dévoués.
Lorsque les souffrances physiques et morales cheminent ensemble, l'âme a une allure de traînard.
Les hautes pensées produisent en nous les mêmes résultats que l'air et le soleil dans une chambre de malade : elles chassent les miasmes délétères.
Nous appliquons plus notre intelligence à connaître les choses qu'à comprendre l'être humain.
La pauvreté à la fin de sa vie est l'ultime richesse du chef d'État intègre.
Les constants sont les forts.
Il y a de ces sourires qui entravent une discussion, comme ces haies légères et verdoyantes qui voilent un précipice.
Nos maux sont peu de chose, si nous pouvons les taire à ceux qui nous accuseraient d'en être les auteurs.
Dans les causeries alanguies, on entend quelquefois de ces mots vagues qui rompent le silence afin de l'embellir ; à la façon de ces lanternes vénitiennes qui rompent l'obscurité... sans pourtant l'éclairer.
Le revoir rapide et inattendu, aussitôt après des adieux très durs, c'est presque le retour après une longue absence.
La véritable intelligence vient du coeur.
Dans certains cas, l'aveu sincère de nos défauts permet aux autres de ne pas y croire.
Écoute le verbe de l'être méditatif. Entends aussi les pensées qu'il n'exprime pas.
Chez les sensibles, l'inattendu rend les joies plus vives, les peines plus amères.
Une femme qui ne dit plus à son fils « Mon petit » quand il est devenu vieux, n'est pas une vraie mère.
Certaines découvertes modernes amènent l'homme à délaisser la matière.
Les écrins fermés sont ceux qui excitent le plus la curiosité des voleurs.
Actuellement l'homme n'absorbe plus la nourriture dans le calme et la sécurité. C'est la préoccupation de sa nourriture qui le ronge dans l'agitation et l'inquiétude.
Les clairvoyants ont pour ennemis naturels les imbéciles.
La clairvoyance, c'est une lumière vive que l'esprit promène sur des végétations souterraines et souvent malsaines.
Nos chers mots français, quand ils sont devenus vieux, la Fortune les écrase de sa roue impitoyable ; et ils vont mourir au fond d'une bibliothèque dans les plis d'un bouquin délaissé.
À l'inverse des professeurs, ce n'est pas aux jeunes que la vie donne ses leçons.
Comme la beauté, la bonté des femmes n'est souvent qu'un maquillage.
Seule, la vraie beauté ne perd pas de son charme en adoptant l'attitude marmoréenne.
Chez les forts, le silence est le refuge de ceux qui savent.
De même que les archéologues reconstituent un monument avec quelques pierres, notre esprit peut revivre une époque avec un seul débris de souvenir.
Un sourire qui invariablement ne traduit rien cache de la bêtise ou de l'astuce.
Les yeux de la mère retardent : quand l'enfant est déjà grand, longtemps encore elle cherche de la main les boucles soyeuses qui faisaient son orgueil.
Est-ce le silence ou le sourire qui sait mieux garder son mystère ?
Nos objets anciens et familiers que tant de chers morts ont frôlés sont-ils encore matière ?... À nos yeux des esprits les environnent.
Les « nouvellement lustrés » de l'étalage social se placent d'eux-mêmes bien en vue au bord de la devanture.
Parce qu'on dira : « C'est un grand coeur » croyez-vous que l'accès de ce coeur soit plus facile ?
Le lait c'est le sang chaste et inviolable que la maternité fait jaillir.
Malgré les apparences contraires, la femme, moins que l'homme, fait participer la chimère à son rêve.
La province crée le talent : Paris la renommée.
En tricotant ses vêtements, la femme songe aux jours qui vont suivre et tisse ainsi la trame des heures futures.
Puisque l'hérédité a une part si grande dans nos qualités, sachons nous défendre de l'orgueil.
Dans le domaine de la sensibilité, l'indifférence est une paralysie du coeur.
Un coeur fragmenté a perdu toute sa valeur.
Dans le partage des objets d'un être disparu, c'est aux plus beaux que s'attache la « sensibilité » des héritiers.
L'enfance est impatiente. C'est logique : elle n'attend de la vie que des joies.
Le saint qui vit sur terre est une créature qui n'est déjà plus la créature.
C'est à la jeunesse que la mode demande les conseils de l'expérience.
Ce sont les cartons des éditeurs - ces limbes de la littérature - qui parfois retiennent les chefs-d'oeuvre.
L'homme qui la cultive et la possède se dit éternellement déçu par les infidélités de son amie : la terre.
Dieu a donné à l'homme la souffrance pour se purifier dans la vie et l'amour pour la supporter.
Chaque génération est le réactif de la précédente.
La main qui ne presse plus avec joie une main amie laisse tomber l'amitié qu'elle contenait.
Être riche est un art. Ceux qui ne le sont plus, sont à peu près les seuls à le comprendre.
Un esprit tourmenté n'apprécie que les joies auxquelles il sait ne pouvoir atteindre.
L'être physique n'est pas immortel ; mais ses paroles peuvent le devenir, si elles partent de l'âme.
L'orgueil est la folie d'une beauté.
L'absence de civilisation et son excès sont également éloignés de la pudeur.
La main calculatrice et la main prodigue servent souvent le même corps.
Des lettres nous arrivent dont l'enveloppe - nous le sentons - contient des choses exquises. Telles des boîtes de bonbons.
L'adverbe ?... C'est le fond toujours gris d'une causerie épistolaire dépourvue d'intérêt.
Dans ses heures d'insomnie, la nuit est à l'intellectuel ce qu'est à l'arbre la terre obscure dans laquelle il plonge ses racines, et va chercher, avec le suc-aliment, la fraîcheur des eaux profondes.
Par la civilisation, nos chemins riants sont semés de poussière et arrosés de sang.
Quand nous la demandons à Dieu ou à nos semblables, la pitié est la dernière et la plus haute limite de nos supplications.
Devant la montée de la médiocrité le génie s'assied et attend les siècles.
Actuellement la vraie distinction est bien voisine d'un anachronisme.
Nous vivons perpétuellement avec un être qui nous enthousiasme ou nous décourage, qui nous ravit ou nous irrite : Nous-même.
Les yeux qui ne savent pas voir l'être moral chez autrui n'enregistrent que peu d'images.
L'égoïste est vite lassé par la vue des mêmes maux chez autrui, et préfère des misères nouvelles et inattendues.
Les qualités sont un don de la nature perfectionné par l'éducation. Les vertus relevant de la beauté de l'âme sont développées par la Religion.
Nos bonnes résolutions sont mues par des rouages défectueux.
Dans le voisinage des torrents bruissent de petites cascades que leurs eaux ont fait surgir.
Bien que les années soient courtes, elles nous mettent vite à une longue distance de notre passé même le plus voisin.
Paris est aussi le refuge discret des familles déchues ou amoindries par le malheur.
Les grands écrivains à la recherche des vérités éternelles sont des ouvriers se livrant à des travaux de sondage pour découvrir la source d'eau vive.
La bourse récemment gonflée ressemble bien à la grenouille devant le boeuf.
Si le goût de l'indépendance a germé chez l'enfant de nos jours, c'est qu'il lui manque la tendresse sans faiblesse des parents de jadis.
Dans nos causeries intimes, voiler notre voix c'est dévoiler notre âme.
Pénélope ! si tu brodais tu ne pleurais pas. Les larmes brûlent les yeux, rouillent les aiguilles.
Gardez-vous, lecteur, le souvenir de vos belles randonnées en montagne, dans un véhicule paisible ?... Aux abords d'une station thermale, de petits enfants vous lançaient des poignées de fleurs sauvages cueillies le long des sentiers. - Ma cueillette et mon geste sont les leurs. Et si, dans votre montée morale, vous découvrez à ma gerbe un parfum du pays, de ce pays supraterrestre auquel nous aspirons, mon voeu le plus cher sera réalité...