Les objets de ma vie

Mes copains apprécient à l’unanimité que mes petites fêtes soient suivies d’un barbecue où l’on grille des langoustines et où l’on fait des mets tandoori, car nous avons trouvé là, avec la pratique du narguilé en fin de soirée, le moyen de sortir du train-train quotidien et de s’amuser ensemble.

J’ai bien dû lire 500 polars dans ma jeunesse. Un historien a qualifié ces livres d’excellents pour figurer dans les chambres des malades, mais il aurait mieux valu qu’il se taise plutôt que d’affirmer avec vigueur que le polar a concouru à l’émergence d’un État policier.

Mon père m’avait offert cette bécasse empaillée au moment où je lisais Bécassine dont l’auteur disait justement que la Bécasse des bois aura bientôt un statut d’espèce menacée qui conduira à son inscription sur une liste rouge des oiseaux rares du canton de Neuchâtel.

C’est au Musée du Portrait que l’original de cette tête de Tintin figure en bonne place, à la droite de la Reine d’Angleterre et à la même hauteur. Un philosophe fut invité par le musée pour écrire un texte sur le héros de son enfance et souligner les contrastes et similitudes psychologiques qui peuvent se trouver entre la personnalité d’Hergé et celle de son petit reporter quand il s’était aventuré en Chine.

Mon vélo tout terrain est rangé et gardé sous clé, sauf quand je suis en congé dans le Périgord, ce petit coin de France peu connu des amateurs de VTT qui pourtant possède des atouts à faire rêver : tranquillité, authenticité, dénivelé, diversité des paysages et richesse du patrimoine.


J’ai passé beaucoup de temps à écrire des poèmes dans la salle de bains, à y faire des tentatives de maquillage et à en repeindre le plafond qui se déformait à cause de l’humidité, en le décorant avec des poissons colorés dont les modèles d’inspiration enfantine avaient été faits par ma petite nièce Olivia.

On perçoit en général les gens de l’art comme repliés sur eux-mêmes, jouant du violon pendant que le monde brûle. Des filles de mon quartier aimeraient bien suivre mes cours de violon, mais elles n’ont pas les moyens de payer leur loyer, à plus forte raison des leçons de musique.

Mon cendrier en forme de grenouille des marais constitue peut-être une référence symbolique d’un échange avec le monde animal et le monde surnaturel. Quant au bœuf incrédule, il s’est demandé comment elle avait réussi à se faire cendrier alors que lui-même avait échoué.
Il va sans dire que mes nouvelles chaussures de sport, roses et blanches, ont été élaborées pour la vitesse et s’adressent, non à moi, mais aux compétitrices stylées qui rêvent de performances ultimes en terme de légèreté, grâce au système d'amorti qui se trouve dans le talon.
Pour aller admirer un jardin de bonsaïs au cœur d’une nature encore sauvegardée, j’ai fait maintes balades avec cette barque jusqu’à l’emmener sur les bras du Rhin, dans la réserve naturelle de Taubergießen.
Pourquoi ne me serais-je pas offert le summum de la baignoire en y ajoutant un système d'hydrothérapie ? Attenant à notre chambre, l’espace réservé à la baignoire à remous, dont la vue donne sur le jardin, est devenu le principal lieu de rencontre pendant toute la période estivale.
Je peux évoquer facilement l’image attendrissante de la fillette que j’ai été en disant que j’allaitais mes trois poupons en celluloïd parce que ma mère m’avait certifié que c’était meilleur pour leur santé, leur croissance, pour leur système immunitaire, et ainsi de suite.
Je prévois de faire équipe avec des gars remarquables pour atteindre le camp de base de l’Everest grâce à un véhicule tout-terrain qui sera un compromis entre le fauteuil roulant et ma brouette de jardin qui fleurie de jonquilles constituait un mignon accessoire de terrasse.

Et voilà qu’un habitant du coin trouva le briquet d’un ami disparu sur le sentier patrouillé par l’équipe canine, ce qui vint à confirmer la direction prise par mon ami égaré. Si nous nous étions trompés de direction, il nous aurait fallu beaucoup d’efforts pour le retrouver.

Quoique récent, mon aspirateur a ceci de particulier que je dois passer un autre aspirateur à l’intérieur de son moteur pour en déloger les débris qui bouchent le filtre à travers la grille. En me servant d’un balai, je le mouille afin de rabattre les particules au sol.
Dans la salle de jeux de mes parents, il y avait un baby-foot, un flipper et un billard. Devant la vitesse de la balle, j’ai vu ma mère devenir tellement frénétique dans une partie de baby-foot que c’en était hilarant. Sa fièvre était devenue contagieuse.
Une grande différence entre mon père et moi quand j’étais fillette, c’est que si j’avais besoin de trouver le sens d’un mot, je le cherchais dans cette encyclopédie illustrée qui est devenue vieillotte, obsolète, tout en empestant le renfermé.
Je suis en train d’essayer de vendre la maison de mon enfance qui est située au bout d’un remarquable jardin de falaise dominant la mer, en la proposant à une paysanne du coin et qui m’a répondu : “Combien vous la vendez ? tout ce dont j’ai besoin, c’est d’eau fraîche !”

Selon ce dico, le tir à l’arc figure au même titre que la découverte du feu dans les progrès de l’humanité. Une partie du 3e volume n’a trait qu’à la chirurgie à cœur ouvert. On n’a pas encore inventé de chirurgie morale pour arracher le dégoût.
Pour trouver davantage de clients, un pépiniériste à glissé sa carte de visite dans ma boîte aux lettres dans l’espoir que je le fasse travailler dans mon jardin alors que j’apprécie son aspect en friche, le fouillis de ses ronces et le méli-mélo de ses hautes lianes inextricables.
Après une discussion qui relatait de l’Inde, mon frère et moi nous sommes assis avec cérémonie parce que je lui tendis un livre où l’on citait le Maharaji. Ce sage me montre à apprécier cette vie et je suis très heureuse quand je sens cette Paix à l’intérieur de moi.
J’avais probablement conservé ces 45 tours pour des raisons sentimentales ou en tant que pièces de collection. Ce sont pour la plupart de vieux disques du saxophoniste Sidney Bechet. Difficile de trouver quelqu’un qui peut faire pleurer ainsi un saxo sans tomber dans le cliché.
Cette photo de l’abri de mon cheval qui est plutôt un animal de compagnie puisqu’il renie les compétitions sportives, a été prise quand mon compagnon l’avait amené à l’étang mais personne n’a pu le forcer à boire. J’ai souvent ressenti une connexion avec ce cheval.
Quand j’étais gamine je collais mes posters un peu partout dans la ville la plus proche mais aucune de mes affiches n’avait la permission d’être placée sur un monument, une sculpture, un arbre, une bouche d'incendie, un pont, un viaduc ou un pylône électrique.
Cet ampli, composé d’un haut-parleur monté dans une caisse, remonte à l’époque où je faisais de la guitare électrique car j’avais découvert la sensation de jouer dans un groupe avec des amis, et qu’on me mit à la guitare ou à la batterie, cela n’avait pas grande importance.
Enfant, je mâchouillais souvent mes jouets avec l’insouciance de mon âge, et j’ai appris bien plus tard de la bouche de ma mère que des scientifiques avaient déterminé un danger parce que onze composés odorants étaient contenus dans ces petits chevaux en plastique.
Cette statuette est une sorte d’ange gardien, si je puis m’exprimer ainsi. Dans mes rêves de fillette, il veillait sur moi depuis la lune et me venait en aide en m’équipant d’un arc magique qui fut le dernier espoir de la Terre des Anges mise sous le joug de Médusa, la Déesse des Ténèbres. J’ai pris le risque insensé de lui tourner le dos dès que je fus en âge de reléguer ses fadaises aux oubliettes, comme si j’avais eu réellement le choix de nier mon appartenance à sa tradition angélique qui se prévalait de tendre la main et d’aider les moins privilégiés.
Avec Tchékhov, qui exerça la médecine pendant sa sa carrière littéraire, il m’a paru clair que le recours à la fiction pouvait s’avérer utile pour l’écrivain mais ne pensez-vous pas qu’il n’est pas toujours facile pour le lecteur, de transposer le récit fictif à la réalité ? La ponctuation préférée de Tchékhov, c’étaient les points de suspension, il les confiait aux comédiens comme un espace de rêve. Un jour, au printemps, mon compagnon présentera en un seul programme quatre hilarantes pièces en un acte d’Anton Tchékhov ayant pour thème l’amour.
Il m’est arrivé de lire des navets qu’on trouve dans les kiosques à journaux des gares, mais je n’en lis plus depuis qu’un imbécile de 17 ans, manipulé par les fascistes de sa localité, tua sans scrupule une dizaine d’Arniens. Que veux-tu, c’était un fan de San-Antonio !
Cette machine à vapeur m’a aidé à décoller l’ancien papier peint de ma chambre. Le nouveau papier en vinyle devait donner une atmosphère romantique, mais suite à une erreur dans la pose des motifs, j’ai dû l’arracher. Depuis ma devise est celle-ci — Le bricolage ça ne marche jamais !
Mon grand-père s’était vu donner par son propre père un appareil photo et s’était vu encourager à fixer sur la pellicule la ville telle qu'il la voyait. L’appareil détectait la zone couleur de peau, comme le visage, et traitait l’image pour rendre la peau lisse. 
A force d’admirer le jeu des bulles et les acrobaties des poissons, j’ai été stupéfait d’entendre en rêve : ”En ma qualité de petit poisson réduit au silence dans un aquarium où les lumières sont sur le point de s’éteindre, je voudrais te dire de varier ma nourriture”.
Conformément à mon personnage de jardinière en herbe, qui concilie agréablement détente horticole et farniente, j’ai choisi un râteau et un arrosoir, mais je ne recommande pas de tester une baignoire en la remplissant avec un arrosoir de jardin.
En allant s’entretenir avec le propriétaire de ce restaurant vietnamien pour lui proposer d’utiliser ses œufs, son poulet et ses légumes, mon voisin a adopté une approche des plus novatrices. Le cuisinier qui y trouvait son compte l’a salué avec un large sourire.
L’avantage de consommer des produits du terroir est énorme pour ceux qui préfèrent que leurs aliments empruntent un parcours local, sain et rapide pour passer de la ferme à l’assiette. Dans celle-ci, gamine, j’ai contribué à la croissance normale de mes dents.
Ces soucoupes à fromage, introuvables dans le commerce, sont reconnaissables par l’empreinte de leurs marques publicitaires. Il ne s’agissait pas pour moi de manger du Port Salut dans l’assiette affectée au Bleu d’Auvergne. Ç’eût été une blague de mauvais goût.
Sur la page 62, Uderzo a dessiné le chien Idéfix différemment selon que l’on possède l’édition de luxe ou l’édition classique d’Astérix en Hispanie, lequel petit gaulois barbu, face aux romains, est facilement transposable aux exploits du Che et de ses barbus Cubains qui ont tenus tête à l’Amérique entière. La situation ressemble aussi à une scène où nous rivalisons tous avec les cons qui jouent ensemble le rôle de César. Et l’absence de contrôle permit qu’en 1857, les noms de Judas Iscariote et de Jules César figurèrent sur les listes électorales de la Ville de Québec !
Voici mon atelier, côté jardin, où je peins mes grands tableaux abstraits en partie grâce à cette verrière, car mon objectif principal est de créer des œuvres qui se jouent des ombres et dont l’aspect évolue tout au long de la journée en fonction de la luminosité ambiante.
La garniture intérieure en mousse est spécialement moulée pour recevoir un téléphone. Mon oncle était géomètre et il pouvait passer des appels téléphoniques ou encore transférer des données à son chef à partir d’un petit terminal qui se range dans cet attaché-case.
Dès mon acquisition, la maison était habitable et d’une bonne taille mais si besoin est, le grenier assez vaste est aménageable et les dépendances attenantes permettent de créer quelques chambres d’amis supplémentaires, en offrant une vue panoramique.
J’ai appris dans ce livre que sur la demande de sa tante, qui le soutenait financièrement, Claude Monet poursuivit sa formation artistique dans un atelier où furent également inscrits ses futurs compagnons impressionnistes Renoir, Bazille et Sisley.
J’ai découvert un nouveau son, celui de la jeunesse de Luanda, le kuduro (“cul dur” en français) qui s’échappa de cet auto-radio, alors que tripotant les boutons je cherchais une station qui puisse me distraire de mon interminable voyage dans une décapotable.
Non que je craigne être cambriolée, mais je ne laisse pas mes économies traîner dans l’un des tiroirs de cette commode du salon ni ne pose dessus mon gros téléviseur car elle me sert facilement d’escabeau pour supprimer les toiles d’araignées qui se logent au plafond.



La première fois que j’ai lancé en vrille un ballon de football et la première fois que je suis arrivée à lancer un ballon de basket suffisamment haut pour qu’il retombe dans le panier - ce furent pour moi des rites de passage nationaux.