Louise Ackermann



— Combien le coeur de l'homme est insuffisant ! Il se refuse à la continuité des plus justes douleurs ; un long amour finit par le lasser ; il faut qu'il se repose ou qu'il change. 
Pensées d'une solitaire, Alphonse Lemerre, 1903

— Il est étrange que, parfaitement certains de la brièveté de la vie, nous prenions tant à coeur les intérêts qui s'y rapportent. Quelle est cette activité, ce mouvement, à l'entour de places et de richesses dont nous aurons si peu de temps à jouir ? Et ces pleurs sur des morts chéris que nous irons rejoindre demain ? L'homme sait tout cela, et cependant il s'agite, il s'inquiète, il s'afflige, comme si la fin de ces empressements et de ces larmes n'était pas prochaine, et nulle philosophie ne peut lui donner sur toutes choses l'indifférence qui convient à un condamné à mort sans espoir ni recours. 

— Il y a chez chacun de nous, surtout dans la jeunesse, quelque chose qui chante. La plupart des hommes ne se rendent pas compte de cette musique vague et fugitive ; le poète seul arrête au passage les divins accents. 

L'adoucissement des moeurs se manifeste par le mouvement actuel contre la peine de mort. Il existe une répugnance croissante contre cet acte de cruauté sociale. Et la peine de l'enfer, qu'en disent messieurs les dévots ? Il me semble que leur Dieu, tout bon Dieu qu'il est, devrait bien venir prendre chez nous des leçons d'humanité.  

Il en est de certains points culminants de notre vie comme des hautes montagnes : quelle que soit la distance qui nous en sépare, ils nous paraissent toujours proches.  

Quel est cet idéal vers lequel la nature s'achemine à travers le temps éternel et les formes infinies ? Nous ne sommes pas le terme de son évolution. Ce n'est point pour aboutir à notre misérable humanité qu'elle a pris son élan de si loin. O toi qu'elle entrevoit, être futur, songe à nous qui aurons souffert et peiné pour te frayer la voie ! 

Il ne faut pas se faire d'illusion à cet égard : les douleurs chantées sont déjà des douleurs calmées. Ce n'est point lorsque nous sommes encore engagés dans la sensation que nous serions capables de l'exprimer. Il faut s'écarter de soi-même et se considérer de loin et avec perspective. Nous ne nous peignons bien qu'à la distance du souvenir. 

Nous mourrons presque tous de mort violente ; car comment nommer autrement cette rupture douloureuse des liens de la vie ? Mourir ne devrait être que s'éteindre. Pourquoi la cessation de l'existence est-elle si souvent précédée de longues et terribles douleurs ? Pourquoi ce dernier combat ? On dirait que la mort est contre nature, à voir la résistance que la chair et l'esprit lui opposent. 

Quand le temps a passé sur nos amours et nos douleurs, notre coeur qui s'est calmé reste tout étonné de ses excès. 

Nous ne sommes pas maîtres de nos actions. Nous les jugeons, mais elles nous sont imposées par notre nature. Le remords porte donc le plus souvent à faux. L'homme ne devrait avoir que des regrets. 

Le poète a d'abord été un initiateur ; aujourd'hui il n'est plus qu'un écho. 

Les croyances religieuses sont comme les vieilles dents : cela branle, mais cela tient. 

Je sens se relâcher en moi tous les ressorts de l'amour-propre, ceux même qui entretenaient encore quelque peu mon activité littéraire. Comme un vaisseau qui se serait trop approché de sables funestes, je m'enfonce et vais bientôt rester ensevelie dans l'indifférence absolue.  

Nous sommes ingrats envers les penseurs et les artistes qui nous ont précédés. Que serions-nous sans eux ? Ils ont été les anneaux qui nous relient à la chaîne infinie. Comme dans un cerveau individuel une idée en amène une autre, leur oeuvre a suscité la nôtre. Nous ne commençons ni n'achevons rien. Il faudrait remonter bien haut dans la pensée humaine pour trouver le point initial. Heureux néanmoins, encore, ceux auxquels il est donné de continuer.  

En entrant dans la vie, la femme se met tout d'abord sous la conduite de ses sentiments, et comme ceux-ci sont le plus souvent emportés et aveugles, il en résulte qu'avec de pareils guides elle va parfois donner tête baissée dans toute sorte de broussailles et de précipices, ce dont elle ne laisse pas d'être elle-même fort étonnée.  

Le sentiment religieux est naturel à l'homme au sein de ce mystère dont il se sent enveloppé ; mais qu'on ne me parle pas des religions. Elles imposent des croyances arrêtées et exclusives, lesquelles ne conviennent nullement à un être qui ne sait rien et ne peut rien affirmer.  

La critique a beau bâtir des théories de l'art, l'artiste n'obéira jamais qu'à une esthétique instinctive et personnelle. Il travaille sur un modèle intérieur, sorte d'idéal individuel qui n'a rien à démêler avec les règles préconçues. 

Pour écrire l'histoire de sa propre vie, la mémoire ne suffit point, il faut encore l'imagination : j'entends l'imagination du souvenir, non pas celle qui invente, mais celle qui rassemble et ranime. 

Il s'en est fallu de bien peu que je ne laissasse ici-bas aucune trace de mon passage. Que la barque s'engloutisse, mais qu'au moins elle laisse derrière elle un sillage !  

Lamartine a la note magnifique, mais rarement la note émue ; celle-là, c'est le coeur qui la donne. Or, Lamartine n'a guère aimé. Les femmes n'ont été pour lui que des miroirs où il s'est regardé ; il s'y est même trouvé très beau.  

Nos passions et nos besoins, voilà nos vrais tyrans. On devrait donc toujours être simple et vertueux, ne fût-ce que par amour de l'indépendance.  

Le mariage est rarement l'union harmonieuse de deux individus qui se trouvent être dans un même état de coeur. Ce n'est le plus souvent qu'un besoin de finir et un désir de commencer qui se rencontrent.  

Pour réunir autour d'elle tant d'hommes d'intelligence et d'opinions différentes, pour les monter et les maintenir pendant de longues années à un même degré de ferveur envers sa personne, sans être cependant elle-même douée d'un esprit supérieur, il faut que Mme Récamier ait eu une entente parfaite des diverses vanités. En effet, elle leur rendait tout sorte de services. L'unique affaire de sa vie a été de les deviner à demi-mot, de se prêter à leurs petits calculs, et de leur éviter les mécomptes et les rougeurs. Après avoir éprouvé combien sont fragiles la fortune et la beauté, en femme prudente elle s'était retirée en lieu sûr et avait établi sa position sur un terrain solide, sur le fonds immuable d'une faiblesse humaine.  

La Religion ne transforme pas l'homme. Elle n'a jamais attendri que les coeurs déjà tendres. Quant aux coeurs durs, elle les endurcit encore. 

L'adolescence est consacrée à l'étude des oeuvres classiques. Elle peut, il est vrai, les exprimer, mais elle ne les comprend pas. L'ordre, la clarté, la parfaite mesure, ne peuvent pas être sentis au moment même où l'esprit est encore confus et désordonné.  

Bien qu'il en soit, hélas ! la première victime, l'homme n'a pas le droit de se plaindre des défauts, ni même des vices de la femme. Celle-ci n'a qu'un but au monde : le captiver, et pour y parvenir elle se modèle sur ses désirs. Or, que lui demande-t-il ? Des charmes et du plaisir. Elle se fait donc coquette, frivole, menteuse pour le séduire. Au lieu de se rendre à de pareils attraits, s'il ne se montrait sensible qu'aux qualités de l'esprit et du coeur, elle s'évertuerait à les acquérir et deviendrait simple, sérieuse, vertueuse même ; car elle est capable de tout pour lui plaire.  

Malgré ce qu'elle a d'humiliant, quand on a une fois goûté de l'exhibition on n'en veut plus démordre. Voyez les acteurs, les chanteurs, etc. Si j'avais prêté mon chien pour l'exposition de son espèce, je ne m'y fierais plus ; je craindrais toujours qu'il ne m'abandonnât pour retourner aux Champs-Élysées. 

C'est nous, libres penseurs, qui sommes les désintéressés, les généreux ; nous faisons de la vertu pour rien. Nous ne la vendrions pas, dût-elle même nous être payée en monnaie de paradis.  

Les circonstances qui président à la conception ont presque toujours une influence décisive sur l'individu à naître. S'il n'y a pas eu à cette occasion attraction passionnée, enivrement, presque délire, que sera-t-il le plus souvent ? Un être terne et médiocre. Voyez nos mariages actuels de convenance et d'argent, que produisent-ils ? Une génération anémique de coeur et d'esprit. Amour, on a beau t'accuser et te maudire, c'est toujours à toi qu'il faut aller demander la force et la flamme !  

Qui dit bon dévot entend par là définir un individu chez lequel la bonté native corrige et atténue les conséquences naturelles de ses croyances. 

On est bien forcé de s'accepter soi-même, seulement il ne faudrait pas s'en monter aussi souvent satisfait. 

En poésie il faut quelquefois savoir éteindre l'expression, afin qu'elle n'étouffe pas le sentiment qu'elle s'est chargée d'exprimer.  

Une femme artiste ou écrivain m'a toujours paru une anomalie plus grande qu'une femme qui serait agent de change ou banquier. Dans ce dernier cas, elle n'engagerait que ses capitaux ; dans l'autre, c'est son âme qu'elle met en circulation à ses risques et périls. 

Que d'esprits ont la vue basse ! Ce sont des myopes pour lesquels un opticien devrait bien inventer des lunettes. Il y en a même de tout à fait aveugles. À ceux-là il faudrait faire subir l'opération de la cataracte intellectuelle. Mais s'y soumettraient-ils ? Leur cécité leur est si chère ! 

Les beaux vers, c'est-à-dire ceux qui restent et ne mourront jamais, existaient de toute éternité. Les vrais, les grands poètes eux-mêmes ne les font point ; seulement ils savent les trouver.  

Dans la société, les ridicules sont des discordances. Au milieu du concert universel combien ont l'oreille très sévère pour quelque innocente fausse note du voisin, et qui, cependant, ne s'entendent pas détonner d'un bout à l'autre. 

Musset a rendu difficile la tâche des poètes à venir. Le coeur qu'ont une fois ému ses accents pénétrants reste exigeant ; il n'est plus capable de s'ouvrir à la première poésie venue. Il lui faut de la passion et de l'émotion à tout prix.  

Je me laisse aller avec d'autant plus d'abandon à ma haine contre la Religion, que je sens que cette haine est généreuse et qu'elle a ses racines dans les parties les plus élevées de mon être. C'est mon amour pour le bien, pour la justice et l'humanité, qui me rend hostile à ces monstruosités d'égoïsme et de fanatisme auxquelles tout dévot, s'il est conséquent avec lui-même, ne peut échapper.  

Quand le poète chante ses propres douleurs il doit avoir la note sobre. Les cris personnels déchirants ne sont pas faits pour la poésie. Comme la Niobé antique, elle doit avoir la grâce de la douleur. 

Il n'y a rien d'absolu ni d'arrêté dans la morale. Elle exprime seulement, à un moment donné, l'état de la conscience humaine et son degré de culture. Elle non plus ne saurait échapper à la loi universelle du progrès.  

La plupart des gens qui se jettent dans la Foi y sont bien moins poussés par l'amour de la vérité que par le besoin de calmer certaines terreurs. Ils ferment les yeux et s'abandonnent. L'imagination aidant, ils finissent par se figurer qu'ils croient. Ils sont d'ailleurs si peu soucieux de la vérité, qu'ils fuient tout ce qui pourrait les tirer de cet état d'illusion. Aux objections de la raison ils n'opposent que des réponses absurdes ou puériles, mais qui les tranquillisent. Or, c'est là tout ce qu'ils demandent.  

À force d'intelligence et de culture nous ne pouvons qu'essayer de ressaisir les émotions des chantres primitifs. Les premiers hommes ignoraient combien ils étaient poètes : nous seuls le savons, parce que nous ne le sommes plus. Ils ne se distinguaient par de leurs sensations. Ces vibrations résonnent encore à travers les âges. Comme à la musique, nous leur prêtons tout ce que nos propres sentiments nous suggèrent.  

C'est une erreur de croire qu'on attachera par des bienfaits. Si l'on attache quelqu'un, ce n'est presque jamais que soi-même. 

La vue des choses ne donne pas des idées ; elle les éveille. Pour que celles-ci surgissent dans notre esprit, il faut qu'elles y existent déjà. 

Je m'arrête souvent à rêver devant le profil de Musset. Cette image l'exprime tout entier. Regardez ce front charmant, mais cette bouche grossière : qu'en dites-vous ? Il y avait certainement là une aspiration vers les sommets de l'amour idéal, en même temps qu'un instinct bestial vers les jouissances sensuelles. Sa vie s'est perdue, son génie s'est épuisé à chercher le joint entre ces deux mondes. 

Dans les poésies des troubadours et des minnesingers, il règne une grande uniformité de ton. D'ailleurs on n'y rencontre que quelques images toujours les mêmes ; ce n'est qu'un joli gazouillement. 

À force d'annoncer les événements, on en provoque l'accomplissement. Les prophètes annonçaient le Messie, et Jésus est venu. Il n'était pas annoncé parce qu'il devait arriver, mais il est arrivé parce qu'il était annoncé. Les grands désirs de l'humanité, qui ne sont que l'expression de ses grands besoins, finissent toujours par se réaliser. 

Pour écrire en prose il faut absolument avoir quelque chose à dire. Pour écrire en vers ce n'est pas indispensable. 

Entre époux il y a une autre communauté que celle de la table et du lit, c'est celle de la pensée. Eh bien, le plus souvent, ces deux êtres matériellement accolés habitent, quant à l'esprit, des mondes différents et parfois même hostiles !  

La doctrine de la prédestination est vraie dans son principe. Il y a certainement des êtres voués au bien ou au mal dès avant leur naissance. Le dogme du péché originel n'est pas moins évident au point de vue de la loi de l'hérédité. La Foi a saisi ces vérités ; son seul tort a été de tirer des conséquences arbitraires et injustes. 

Les croûtes en peinture peuvent encore servir à quelque chose ; au besoin on en ferait de jolies enseignes. Mais quel parti tirer des croûtes en poésie ? 

Si je j'élève parfois à une certaine hauteur, ce n'est point par l'effet de ma propre force. C'est la poésie qui m'a soulevée ; elle me porte où je n'atteindrais pas. 

Si Dieu existe, je ne voudrais point être à sa place. Ne pas pouvoir cesser d'être, quel supplice !  

En fait de prêtres, les meilleurs sont peut-être encore les plus dangereux. Leur vertu donne une certaine autorité aux fables qu'ils sont chargés de débiter. 

George Sand me fait l'effet d'un enfant terrible ; ce qu'elle ne brise pas, elle le met sens dessus dessous.  

Je ne me figure pas qu'un astronome puisse jamais être un croyant. La vue, pour ainsi dire immédiate, de l'infini dissipe, comme de légers nuages, les fables dont l'homme s'est plu à envelopper sa destinée. Il cesse de se croire un être assez important pour arrêter sur lui la pensée divine. Ce n'est pas cette humilité chrétienne si orgueilleuse, au fond, puisqu'elle s'imagine qu'il n'a pas fallu moins qu'un Dieu pour sauver l'humanité ; c'est le sentiment de son propre néant qui saisit l'homme en face de ces espaces sans bornes. Il comprend que sa destinée, perdue dans une pareille immensité, est tout à fait insignifiante, et qu'il n'est lui-même qu'un simple atome emporté dans le mouvement universel. 

La musique me remue jusqu'en mes dernières profondeurs. Les regrets, les douleurs, les tristesses, qui s'y étaient déposés en couches tranquilles par le simple effet de la raison et du temps, s'agitent et remontent à la surface. Cette vase précieuse une fois remuée, je vois reparaître au jour tous les débris de mon coeur. 

Je ne saurais remonter jusqu'au point de départ de mes facultés ni de mes instincts ; je ne puis déterminer ce qui revient à chacun de mes ancêtres dans la formation de mon individualité ; j'ignore dans quel sol intellectuel et moral plongent les racines de mon être :
Et dans ce jeu fatal, c'est la part qui m'échappe
Que j'appelle ma liberté. 

Ce n'est pas moi qui te maudirai, ô rêveur galiléen, victime qui as souffert sans rien racheter ! L'humanité te doit seulement quelques espérances. Elle est si malheureuse que la moindre promesse agit sur elle : elle prend de toute main, ou plutôt de toute lèvre. 

Le vers doit être à la fois transparent et fluide ; il faut qu'il laisse passer la lumière et qu'il coule. 

Il semble vraiment qu'une volonté méchante préside aux événements humains. À voir comme elle s'entend parfois à tourner tout au pire, on la prendrait pour une providence à rebours. Le hasard seul n'aurait ni cette perspicacité ni cette persistance dans le choix des combinaisons mauvaises. 

Changer de lieu, c'est changer en même temps les perspectives de notre âme. Certains souvenirs tristes qui étaient au premier plan reculent dans le lointain de la mémoire, et, lorsque plus tard ils reprennent leur place accoutumée, c'est avec des contours moins arrêtés et des teintes adoucies. 

J'écoute avec plaisir marcher mon horloge dans le silence de la nuit. Le bruit régulier de son balancier me fait l'effet des battements d'un coeur. Il me semble que j'entends respirer le temps. 

L'élément des religions, c'est l'ignorance. La foi disparaît devant la science. Une humanité qui nous serait supérieure n'aurait plus besoin de croire ; elle saurait.  

Quand on pense qu'il suffit d'avoir de la vanité, de l'encre et du papier pour faire des vers, on ne peut en vouloir au public bien avisé qui oppose une digue d'indifférence à la crue montante des rimes du jour. Ce qu'il y aurait néanmoins de rassurant pour un vrai poète, si un vrai poète surgissait encore, c'est qu'il est difficile qu'un beau vers se perde. La postérité se charge presque toujours de le recueillir. 

Il m'est impossible de tenir aux dévots le moindre compte de leurs vertus. La récompense à laquelle ils aspirent est si haute, qu'il y a lieu de s'étonner qu'ils n'en fassent pas davantage pour l'obtenir. Je n'ai pas non plus la moindre compassion pour leurs malheurs. Que sont ces tribulations d'un jour au regard de la félicité qu'ils attendent et vers laquelle ces mêmes afflictions doivent les acheminer ? Ces gens-là vivent dans un monde si peu humain, qu'il est permis de prendre à leur égard des sentiments qui ne le soient point. 

Je me compare à ces insectes qui, réfugiés à l'extrémité d'une branche, dans une feuille, s'y tissent une enveloppe fine où s'ensevelir. La solitude est ma feuille ; j'y file mon petit cocon poétique.  

J'ai toujours eu une admiration profonde pour ces âmes courageuses qui, en pleine possession d'elles-mêmes et par pur dégoût des misères terrestres, ont trouvé en elles la force de se débarraser de l'existence. La Nature a bien su ce qu'elle faisait en nous dotant d'une irrémédiable lâcheté en face de la mort ; mais combien il est beau de la vaincre et de lui crier : « : O marâtre ! je te rends ton fardeau. Si tu as cru me lier par le don fortuit et funeste de la vie, tu t'es trompée. Regarde ! voilà le cas que j'en fais. » 

Mon premier soin, lorsque je me lève, est d'aller voir comment mes arbres ont passé la nuit, mes arbres fruitiers surtout. Quelle vivante image de la bonté que ces êtres muets qui tendent vers nous leurs bras chargés de présents ! 

À chaque création, Dieu s'est applaudi de son oeuvre ; il l'a trouvée bonne. Le besoin de progrès qui se manifeste dans la Nature et donne de l'impulsion à l'univers est en contradiction flagrante avec la satisfaction qu'a éprouvée le créateur. 

L'inspiration ne fait qu'accentuer plus fortement les sons divers que rend notre âme. Les saisir et les fixer dans une expression heureuse, c'est là toute l'oeuvre du poète. 

Je ne dirai pas à l'humanité : progresse ; je lui dirai : meurs ; car aucun progrès ne l'arrachera jamais aux misères de la condition terrestre. 

C'est un métier que d'affirmer : il y a même des gens payés pour cela.  

La passion explique bien des choses, mais ne justifie rien.  

En fait de poésie, je ne suis qu'un simple amateur, mais j'ai beaucoup vécu avec les grands maîtres. Je fais plus que les goûter, je les aime passionnément, aussi bien Lucrèce que La Fontaine. Je sais donc un gré infini aux esprits délicats qui ont découvert dans le peu que j'ai écrit les traces de ce commerce et de cet amour.  

Tout se liquide en perte dans la vie : mourir, c'est déposer son bilan. La mort n'est en réalité qu'une banqueroute définitive.  

Si j'avais été la colombe, je ne serais pas rentrée dans l'arche. 

Qui n'a reçu de la nature qu'un filet de pensée, s'il s'entend à le ménager peut encore en tirer de jolis effets. Souvent l'art plaît plus que la puissance et l'ampleur.  

Chez toute femme, je ne dirai pas galante, mais simplement coquette, le sens moral est, sinon tout à fait éteint, du moins fortement altéré. Il y a déjà en elle comme une ébauche de courtisane. 

À mesure que j'avance en âge, je perds le goût de l'érudition. Mon esprit, probablement parce qu'il devient plus paresseux ou plus délicat, n'aime que les bons morceaux et de digestion facile ; il craint les os et les arêtes.

La poésie est pour ainsi dire le dessert de l'esprit. Il ne faut donc en prendre qu'en petite quantité, comme de toutes les friandises.  

Quand j'ouvre un livre allemand, il me semble que j'éteins ma lumière, et lorsqu'il m'arrive en le quittant de prendre un livre français sur le même sujet, on dirait que je la rallume. 

Ce que l'homme aurait de mieux à faire, ce serait de prendre au pied de la lettre cette métaphore usée : « La vie est un rêve. » Donner de l'importance à ce rêve, c'est vouloir qu'il dégénère en cauchemar. 

Le plus ou moins de charme que nous trouvons aux poésies subjectives dépend de la disposition dans laquelle nous sommes nous-mêmes. Aussi plaisent-elles particulièrement aux femmes et aux jeunes gens, car c'est surtout leur état d'âme qu'elles se chargent d'exprimer.  

Il y a eu un temps où il fallait une certaine force d'esprit pour ne pas croire à Jupiter. Il en viendra un où l'on ne comprendra pas qu'on ait pu croire en Dieu. 

Musset pèche par la composition. Ses poésies sont décousues ; on les dirait faites de pièces et de morceaux. Mais quels morceaux ! C'est du cristal, de l'or, du diamant, ou plutôt c'est un métal à lui et sorti de ses entrailles, fluide, transparent, brûlant :
C'est de la lave humaine,
Ardente et que le temps ne saurait refroidir. 

L'âge mûr semble être mon âge naturel. Ce calme encore accompagné de force, ces opinions rassises, ces vues claires en littérature et en philosophie, voilà ce que je goûte et dont je jouis avec délices. J'aurais dû naître à quarante ans. 

Le poète est bien plus un évocateur de sentiments et d'images qu'un arrangeur de rimes et de mots. 

Nos écrits sont comme les galets de la mer ; ce n'est qu'à force d'être roulés dans notre esprit qu'ils acquièrent du poli et de la rondeur. 

Les occupations agricoles ont une vertu particulière : elles calment, elles émoussent. Elles sont surtout bonnes après de grandes douleurs ou de grands mécomptes. Il semble que la terre communique dès lors à l'homme un avant-goût de ce repos définitif qu'elle lui donnera quelque jour.  

Chez les romantiques, l'expression embrasse plus de pensées qu'elle n'en peut étreindre. De là son caractère vague et incomplet. 

J'ai logé chez moi bien des sentiments, et, quoiqu'il y ait longtemps que je ne les héberge plus, je me souviendrai toujours qu'ils ont été mes hôtes et que nous nous sommes bien quittés. 

Perdu dans l'immensité de l'univers, l'homme semble disparaître, et pourtant c'est lui qui est le dépositaire unique des images, le miroir où viennent aboutir tous les rayons des choses. Le monde n'existe que quand il s'est reflété dans ses yeux, dans sa pensée. Ce n'est qu'en passant par ses sens et son intelligence que la nature se revêt de formes. C'est lui qui a créé la beauté ; il reste même en extase devant son oeuvre.  

Notre esprit est plein d'embryons de pensées dont quelques-unes auraient chance de vivre si nous les mettions au monde. La seule manière d'arriver à une heureuse délivrance, ce serait de les écrire. Dégagées de leurs enveloppements, elles se laisseraient voir et juger. 

Peut-être ce qui est n'est-il su par personne, pas même par celui qui doit avoir tout créé. Outre l'ignorance humaine, s'il y avait encore l'ignorance divine ? 

La sévérité de ma morale n'est pas le résultat logique de mes principes, mais l'effet immédiat de ma nature ; je ne raisonne pas la vertu. 

Lorsque les poètes lyriques parviennent à la postérité, ils ont perdu leur gros bagage en route. Ils arrivent équipés à la légère, quelques pièces en main. Cette même postérité, dont la mémoire est surchargée d'ailleurs, ne retient d'eux que les choses courtes, mais achevées et surtout senties. 

La meilleure manière d'être revenu de bien des choses, c'est de n'y être jamais allé. 

Quand on ouvrirait aux femmes les portes de toutes les libertés, comme quelques-unes le réclament, les honnêtes et les sages ne voudraient pas entrer.  

Je suis vraiment tentée de croire à la Grâce. Oui, il faut une faveur toute particulière du ciel pour accepter les dogmes, les mystères et autres sottises ! Il est nécessaire que Dieu s'en mêle, car l'homme tout seul n'y parviendrait pas. On n'a donc aucun droit de nous en vouloir, à nous, libres penseurs, que la lumière d'en haut n'éclaire point. N'est-il pas naturel que, livrés à nous-mêmes, nous nous révoltions contre l'absurde ? 

Eugénie de Guérin, comme Mme de Sévigné, avait au plus haut degré le don de l'épanchement. Ce n'est point assez de posséder la source intérieure, il faut qu'elle puisse couler.  

J'ai autant que possible évité de parler de moi dans mes vers. Faire de la poésie subjective est une disposition maladive, un signe d'étroitesse intellectuelle. D'ailleurs, tout poète qui ne pense qu'à lui sera bientôt à bout de chants et de cris. C'est au nom de la Nature, c'est surtout au nom de l'Humanité qu'il faut élever la voix. Ces sources d'inspiration sont les seules vraiment profondes et intarissables. 

L'art chrétien s'est proposé un idéal élevé, mais inaccessible ; l'art grec, au contraire, n'a jamais poursuivi que ce qu'il pouvait atteindre. Le premier nous donne le spectacle troublant d'une lutte vaine ; l'autre nous offre l'image de la beauté saisie et possédée dans sa plénitude heureuse et sereine.  

Les sots ont dû de tout temps s'ennuyer. Quant aux gens d'esprit, ce n'est qu'assez récemment qu'ils ont inventé un ennui à leur usage. On ne s'ennuyait pas au grand siècle ; sous Louis XV, personne n'y songeait encore, si ce n'est Mme du Deffant. Au milieu de cette société joyeuse et frivole, elle apparaît comme l'unique ennuyée ; mais son ennui même participe de la netteté de son esprit. Ce n'est pas l'ennui de nos Obermanns et de nos Lélias, c'est un bel et bon ennui. Rien ne ressemble moins aux déclamations vaporeuses de ces personnages que les formes bien arrêtées de sa plainte.  

Fatalité ! voilà le mot de l'univers, depuis l'atome invisible jusqu'à l'homme. Prononcer celui de Liberté, c'est n'avoir aucune idée des lois inflexibles qui enchaînent toutes les manifestations de l'être. 

Quand on vit au milieu des bruits du monde, il faut que la voix intérieure qui s'appelle la poésie parle bien haut en nous pour que nous puissions l'entendre. Dans la solitude, nous saisissons son moindre murmure. 

Il y a chez la femme une certaine façon d'aimer la musique qui passe facilement de l'art au virtuose. 

La poésie d'Hugo a fait une telle consommation d'images, qu'il y aurait vraiment lieu de se demander s'il en restera encore pour les poètes à venir.  

Le Dieu des chrétiens est un souverain inexorable ; auprès de lui il n'y a point de recours en grâce. Les condamnés à l'enfer en ont pour l'éternité.  

Mon mari n'eût pas souffert que sa femme se décolletât, à plus forte raison lui eût-il défendu de publier des vers. Écrire, pour une femme, c'est se décolleter ; seulement il est peut-être moins indécent de montrer ses épaules que son coeur. 

Je me figure parfois quels froids romans j'eusse écrits si je m'étais mêlée d'en faire. Mes personnages ne seraient certainement pas nés viables. Et cependant ce genre semble être les domaine naturel des plumes féminines. Les femmes font entrer dans un roman les ardeurs, contenues ou non, de leur tempérament. Hélas ! je n'aurais rien eu à mettre dans les miens.  

Jésus n'a jamais fait preuve de tendresse filiale. Il fallait que l'humanité eût bien soif d'idéal féminin pour diviniser Marie, celle à qui son fils avait dit : « Femme, qu'y a-t-il de commun entre vous et moi ? » 

On prétend que la Religion est l'éducatrice de l'homme. Je lui conseille d'être fière du bon élève qu'elle a fait : c'est une éducation à recommencer.  

Dans la société, la femme n'existe qu'en vue et au profit de l'homme. Sans elle, ce dernier n'aurait ni famille ni foyer. Qu'elle se renferme donc dans les devoirs de sa destinée ; elle y trouvera les seuls bonheurs possibles pour elle, et surtout toutes les dignités. 

On dit à la Foi : « Calme mes craintes, console mes douleurs, endors mes curiosités. Quant à la vérité, tu t'arrangeras avec elle comme tu pourras ; cela n'est point mon affaire. » 

L'écrivain n'a pas seul le privilège des belles imaginations et des hautes pensées. Parmi cette foule qui s'achemine silencieusement à la mort, combien auraient pu étonner le monde par la profondeur de leurs vues et les merveilles de leurs conceptions ! Une occasion leur a manqué, et les voilà dévolus à l'oubli.  

La vie est comme la journée : elle a ses heures mortes.  

Ce soir, du haut de ma tour, je regardais la lune qui se dégageait des dernières lueurs du jour. Le crépuscule venu, elle apparut sur un fond obscur. Elle ne se leva point ; elle était toute levée au milieu du ciel. Il en est ainsi de quelques-uns de nos sentiments : ils sont montés à l'horizon de notre âme sans que nous nous en soyons aperçus, mais, à un moment donné, nous sommes tout surpris de les trouver épanouis et rayonnants dans notre ciel intérieur.  

Les dévots s'évertuent contre la morale indépendante. Je voudrais bien savoir, si leurs yeux s'ouvraient tout à coup et s'ils voyaient parfaitement vide ce ciel où leur imagination avait rêvé un rémunérateur, je voudrais savoir, dis-je, ce qu'il adviendrait de cette morale dépendante et qui ne s'appuyait que sur la Foi. 

Ma flamme poétique, quand par hasard elle s'allume, n'est jamais de longue durée. Après avoir flambé un moment, mon feu s'éteint. J'aurais été une bien mauvaise vestale. 

Il y a deux sortes de bons sens dans la vie : le petit et le grand bon sens. Le premier n'est que l'entente des intérêts ; l'autre est l'intelligence des devoirs et de la destinée. 

Je crois que l'Humanité gagnerait beaucoup à se débarrasser de l'idée de Dieu. Il serait bon qu'elle n'eût plus à compter que sur elle-même. La morale non plus n'y perdrait rien. En effet, même dans les siècles de vraie foi, il ne s'est jamais agi que de servir Dieu à outrance ou de le tromper. Fanatisme ou hypocrisie, l'homme ne peut pas sortir de là.  

J'éprouve parfois une vraie colère en voyant qu'une grande intelligence ne met par les femmes à l'abri de toutes sortes d'erreurs et de faiblesses. Au contraire, on dirait que c'est la monnaie dont elles paient leur supériorité. Pauvres femmes de génie, c'est à vous que le coeur et surtout les sens gardent leurs plus mauvais tours ! 

Qui n'est rien ou n'a rien n'existe pas. Être et avoir sont deux verbes aussi nécessaires dans la vie que dans la grammaire. Ils sont partout les seuls auxiliaires. 

Chez Laprade, la poésie coule ; on s'en étonne. Elle semblerait plutôt devoir être arrêtée dans sa propre glace. 

Jésus attire à lui pour l'amour du chrétien ; il n'en reste plus pour Dieu le père. Les procédés de ce dernier envers la race humaine et aussi envers son propre fils ne sont pas, il est vrai, faits pour en inspirer. 

Les sophistes du sentiment nous parlent des droits de la passion. En sa qualité de maladie, elle n'a qu'un droit, c'est le droit au remède. 

Le vrai poète se reconnaît à ceci : tout lui dit. Il s'en est fallu de bien peu que rien ne m'ait dit. 

Ce qui m'intéresse dans Pascal, c'est une âme aux prises et qui combat. Cependant je n'ose regarder jusqu'au fond de cette passion et de ces délires ; j'ai quasi peur du vertige. Tant de fanatisme me surpasse. En tous sens, cet esprit courait à l'infini. Il lui a suffi d'aimer un jour pour porter l'amour à ses plus nobles hauteurs. Comme il se débat sous le poids de son humanité ! Il espère avoir raison d'elle à force d'injures et de mépris, mais elle l'écrase. Aussi, quels cris dans son impuissance ! Nous avons entendu les poètes : Byron, Shelley, Musset, etc. Les éclats d'une douleur individuelle n'atteindront jamais à de pareils effets. Au fond, quand Pascal gémit, c'est de nous qu'il s'agit. C'est l'homme qui parle par sa bouche. Soif de bonheur, invincible besoin de rattacher au ciel la chaîne de nos misères, quoi de plus humain ? Sur cette voie il rencontre de monstrueuses absurdités et passe outre. Nulle certitude, et pourtant il faut croire : contradiction terrible où il s'est enfermé. Il s'y agite et s'y meurtrit. Son seul recours fut d'accabler la raison. Elle terrassée, voyez comme il triomphe ! Plus de justice, plus de pitié ; damnation d'un bout à l'autre de la création ! Le malheureux est emporté par la violence de sa peur et des désirs ; il a fait le saut dans l'abîme. 

On peint Caron occupé à passer des ombres, c'est-à-dire le reste de quelque chose qui a vécu. Et nous qui vivons encore, que sommes-nous ? Des ombres aussi. Avant comme après la mort, toujours des fantômes dans une barque étroite et fuyante.  

Il faut vraiment bien de la vertu pour n'être pas dévot. Comment ? toutes les portes de ce monde ouvertes, et celle du ciel par surcroît. 

Les causeurs sont des prodigues. Causer, c'est jeter son esprit par la fenêtre. 

Il y a une façon définitive de dire les choses ; elle n'appartient qu'aux grands écrivains. Après eux, il n'y a plus à y revenir.  

Je n'admire pas Jésus sans réserve. Au milieu des admirables élans de mansuétude que nous transmet l'Évangile, il se rencontre des préceptes impitoyables. C'est ce qui explique comment Jésus peut être à la fois le Dieu des coeurs tendres et des fanatiques. 

Tout est pour le pire dans le plus mauvais des mondes possibles. Ce n'est pas à la porte de l'enfer, mais à celle de la vie qu'il faudrait écrire : Lasciate ogni speranza. 

Il y a le soir, quand je travaille auprès de ma fenêtre, une certaine étoile qui me regarde. Si je la comprends, elle a pitié de la peine que je me donne pour un mot, pour une rime. À quoi bon ? semble-t-elle me dire. Hélas ! j'ai eu bien souvent la même pensée. On peut quelquefois, bien qu'on ne soit pas une étoile et sans voir les choses d'aussi haut, prendre en pitié les résultats insignifiants des efforts humains.  

Les dévots sont des poltrons, les dévots sont des lâches. Prosternés devant un Dieu inique et capricieux, ils n'ont qu'un but, qu'une pensée : le fléchir à tout prix.  

Il n'y a plus à reculer : me voici à l'entrée d'une contrée désolée. Il faut que je m'enfonce dans des landes désertes où m'attendent toute sorte de mauvaises rencontres : les maladies, les infirmités, les affaiblissements successifs, et ce qui rend cette perspective plus triste encore, c'est que pour sortir de là il n'y a pas d'autre porte que la mort.  

Nous savons de science certaine que dans quelques milliers d'années il ne restera plus rien de ces chefs-d'oeuvre qui sont le patrimoine précieux de l'humanité. Des révolutions, qu'elles soient sociales ou terrestres, les auront anéantis. Cette perspective ne doit cependant pas décourager l'artiste. Au milieu des réalités attristantes et des luttes cruelles de la vie, lui seul peut sourire et se féliciter, car il a trouvé contre elles un refuge. Du haut de l'Idéal il plane au-dessus des misères et des laideurs de ce monde ; bien plus, il a ressaisi, par un simple acte d'intuition personnelle, quelques lignes des formes harmonieuses et pures de la pensée universelle :
Puis n'aura-t-il pas eu, sur la terre éphémère,
Son instant d'immortalité ? 

Quand je me représente que j'ai apparu fortuitement sur un globe emporté lui-même dans l'espace, au hasard des catastrophes célestes ; quand je me vois entourée d'êtres aussi éphémères et aussi incompréhensibles que moi, lesquels s'agitent et courent après des chimères, j'éprouve l'étrange sensation du rêve. Je ne puis croire à la réalité de ce qui m'environne. Il me semble que j'ai aimé, souffert, et que je vais bientôt mourir en songe. Mon dernier mot sera : J'ai rêvé !